Dans un vieux port de Glasgow, un homme d’une soixantaine d’année est assis sur un grand tonneau de Rhum. Il porte une barbe assez longue et une petite paire de lunette ronde. Sa main droite se lève et il porte à ses lèvres un gobelet remplie du breuvage ambré venant du tonneau. Il entend un bruit et sursaute, renversant une partie du liquide sur son pantalon de toile vert foncé. L’homme se retourne et aperçoit un adolescent. Il doit avoir dix huit, dix neuf ans grand maximum.
« Vous êtes là pour que je vous raconte une histoire gamin ? » demanda le vieillard d’une voix calme et posée.
Le jeune ne sait plus vraiment quoi faire. Il voulait juste rejoindre ses amis à une fête dans la vieille ville mais il s’était perdu. Il venait d’arriver en ville et ne connaissait pas encore bien les différents quartiers. Néanmoins, alors qu’il aurait pu s’en aller en courant, il s’approcha, intrigué. Il vint s’assoir devant l’homme, le genou droit replié vers lui, la main gauche posée un peu derrière alors qu’il s’appuyait dessus.
« Non, je n’étais pas venu pour cela, mais puisque je suis là et que vous semblez vouloir me raconter cette histoire, je suis tout ouïe ! » murmura-t-il au barbu avec un petit sourire malicieux.
« C’est une bonne réponse gamin, tu me plais ! Alors accroche toi bien, ce que je vais te raconter risque de durer un moment. Si tu as un couvre feu, il vaut mieux que tu m’arrêtes et que tu reviennes un autre soir. » l’averti son aîné.
Joshua, car tel était son prénom, hocha la tête et il s’installa plus confortablement pour écouter l’histoire.
« Il y a dans cette ville, une famille très connue. Elle a toujours vécu là depuis la seconde guerre mondiale. Personne ne sait réellement qui ils sont, mais tout le monde les connait. Les Delcourt ont déménagé ici sous l’occupation allemande. Ils voulaient fuir et ont trouvé des amis dans notre jolie petite ville de Glasgow. Martha, l’arrière grand-mère, était une femme de bonne famille qui avait toujours été habituée aux meilleures choses. George, son mari, avait perdu ses parents lors de la première guerre et pourtant, il avait réussit à monter une entreprise d’imprimerie qui lui avait permit, en plus de l’héritage, d’amasser beaucoup d’argent. Ils avaient émigré avec leurs deux enfants: Marie, l’aînée, une petite brunette passionnée d’histoire, et Louis de deux ans son cadet, plus intéressé par les chevaliers et les châteaux forts. Marie et Louis avaient respectivement dix et huit ans lorsqu’ils s’installèrent ici. La jeune fille était toujours plongée dans ses livres tant et si bien qu’elle s’intéressa de plus en plus à certaines légendes, certains mythes, persuadée que ce n’était pas que cela, qu’ils avaient réellement existés. Elle entraina alors son petit frère dans des recherches phénoménales pour retrouver certaines preuves que des personnes comme le Roi Arthur ou bien la Dame du Lac avaient existées. Leurs parents ne cessaient de dire que c’était des balivernes et qu’ils feraient mieux d’apprendre l’algèbre ou la littérature plutôt que de s’intéresser à ce genre d’ineptie. Louis obéit à ses parents et se détourna des passe-temps de sa sœur. Lorsqu’il eut 15 ans, une bombe allemande tomba sur son école tuant alors les 249 élèves et les 49 membres du corps enseignants. Marie devint inconsolable. Elle adorait son frère. Elle se renferma sur elle-même et se concentra de plus en plus sur ses recherches, ignorant les cris perpétuels de sa mère qui s’évertuait à vouloir faire d’elle une Lady. Puis, Marie entra à Oxford pour suivre un cursus d’histoire afin d’en apprendre toujours plus. Elle termina ses études par un doctorat et décrocha un poste de conservatrice au musée de Glasgow où elle était revenue s’occuper de sa mère, maintenant veuve. Marie rencontra un homme, membre de la confrérie des ours. Une confrérie croyant dur comme fer à la réincarnation du roi Arthur, mais il ne croyait pas non plus qu’a ça: il croyait à l’ancienne existence de Zeus et des dieux de l’Olympe. Marie n’y croyait pas, trouver un homme comme lui était pratiquement improbable. Mais elle était sous le charme de cet homme, Martin Saint Clair, historien diplômé de Yale, originaire de Lyon, en France. La jeune femme n’hésita pas une seconde lorsqu’il lui demanda d’être sa petite amie et encore moins lorsque, cinq années plus tard, il lui demanda de l’épouser. »
« Je suis désolée M’sieur, mes parents vont se demander où je suis ! » le coupa Joshua. « Votre histoire… Elle est géniale, je reviendrais demain pour connaitre la suite… Si vous n’y voyez pas d’inconvénient ? »
« Non, tu peux revenir demain gamin, je n’aurais pas bougé ! »
Joshua salua le vieil homme et rentra chez lui. Ses songes furent parsemés de bribes de cette histoire, de morceau du mythe d’Arthur ou encore des parties de la mythologie. Le lendemain matin, le jeune homme se leva rapidement et enfila un jean et un sweat avant de retourner à l’endroit de la veille. Il réussit à ne pas se perdre et lorsqu’il arriva, le vieillard était là.
« Salut gamin, installe toi et on reprend » lui dit-il en lui lançant un croissant.
Joshua hocha la tête et revint s’allonger sous les yeux du barbu avant qu’il ne reprenne son œuvre de conteur.
« Ou en étais-je ? »
« Marie et Martin se marient ! » lui rappela le jeune homme
« Ah oui ! A cette époque, une autre famille vint s’installer non loin de la demeure de Marie et Martin. Adam et Égée Zénon, une famille d’origine grecque désirant, elle aussi, découvrir plusieurs artefacts de la mythologie. Adam venait d’une famille de nomades. Ils avaient, depuis son arrière grand père, toujours voyagé. D’abords, la famille s’était arrêtée en France où ils avaient vécu pendant une génération. Ensuite, ses grands parents avaient déménagés en Espagne ou ils s’étaient établis. La grand-mère d’Adam était une passionnée de mythologie, c’est elle qui transmit son savoir à son petit fils. Elle lui apprit tout ce qu’elle savait. Elle aimait ça mais pour elle, ce n’était que des légendes. A leurs morts, les parents d’Adam déménagèrent en Allemagne où le petit garçon grandit. A ses vingt ans, il rentra en Grèce ou il rencontra Égée. Elle était fille d’un forgeron traditionnel qui n’avait pour but que de la faire reprendre le commerce. Lorsqu’ils se marièrent, il la renia. Déjà qu’il n’avait pas été pour les études de littérature qu’elle avait faites, alors si en plus elle se mariait avec un inconnu, presque un étranger, c’était la fin. Ils partirent alors pour l’Angleterre. Ils s’installèrent dans plusieurs villes avant de décider d’aller en Ecosse, à Glasgow. Adam était un bibliothécaire qui se spécialisait dans les légendes mythologiques et les mythes en tout genre. Sa femme avait été entrainée par cette passion et était maintenant devenue aussi passionnée que son mari. Adam et Martin eurent une tension… Aux yeux de Martin, Adam s’approchait trop de sa femme. Il se rendait tout les jours au musée dans la section ou se trouvait Marie. Adam démenti et lui dit que c’était simplement pour avoir des informations sur Excalibur. Martin vit rouge ! Un étranger sorti de nulle part voulait lui voler son œuvre, ce pourquoi il avait travaillé toute sa vie ! Il n’en était pas question ! Il en informa sa femme et ils se donnèrent corps et âme dans une quête acharnée pour trouver toujours plus d’information avant les autres. Marie finit par donner naissance à un garçon, Morgan, et Égée donna, quelques semaines plus tard, naissance à Éole. Ça leurs enlevait une épine du pied, à moins que les deux garçons sont gay, ils ne tenteraient pas de la jouer à la Roméo & Juliette. Éole prit, dès son plus jeune âge, Morgan pour son souffre douleur, ne faisant que renforcer la haine entre les deux familles. Éole, animé par la même passion que ses parents, se spécialisa en Mythologie, créant une association de personne spécialisées dans ce domaine afin de rechercher des objets mythiques. Morgan s’endurcit, à dix huit ans, il n’était plus le petit garçon qui se faisait martyrisé par le gros dur, au contraire, il était devenu le gros dur. Il étudiait le même cursus que sa mère mais à l’université de Glasgow. Tout deux se croisaient dans les couloirs sans jamais s’adresser la parole autrement que pour s’insulter… Elle est terminée, l’histoire de cette haine stupide entre ces deux familles qui poursuivent un même rêve. » termina-t-il avant de boire une gorgée de Rhum.
Un long silence envahit alors le port. Joshua réfléchissait. Il avait toujours aimé ce type d’histoires mais jamais il n’avait cherché si elles étaient réelles.
« Et maintenant ? » demanda-t-il « que sont devenu Morgan et Éole ? »
« Ils suivent le chemin que leurs parents leurs ont tracés. Ils sont mariés et ont des enfants, ils se détestent toujours autant aussi… »
« Je vois… Dîtes moi vieil homme… Vous y croyez vous ? »
« A quoi ? »
« Arthur ? Zeus ? Qu’ils ont existés ? »
L’homme posa son gobelet et se leva, regardant Joshua d’un air paternaliste avant de s’éloigner vers la sortie du port.
« Qui sait, peut être sont-ils bien cachés ? Ou peut être qu’ils n’existent pas… C’est dans ton cœur et dans ton âme que tu dois trouver la réponse. »
Joshua se releva aussi et se retourna. L’homme avait disparu. Qui était ce ? Il n’en savait rien. Mais maintenant il était sûr de quelque chose : il venait de trouver un but à sa vie.
Accueil 
